Chapitre I : LES BARONS / 4. Sans Foi Ni Loi

Publié le 19 Mars 2015

    Caractérisé par une inertie qui n’avait d’égal que son appétit vorace, Ucinius arriva le dernier. Il avait beaucoup de peine à mouvoir sa masse graisseuse et laissait la baston à ses comparses ; sa priorité se situait là où vin et victuailles étaient entreposés. Il s'assit avec une lourdeur éléphantesque sur le pont – ou plus exactement, se laissa choir sur son triple rembourrage de postérieur. Il se gratta le sommet du crâne pour définir un plan d’action : quel parcours le mènerait sans embûche jusqu’à la réserve des provisions ?

    Il se creusait la tête lorsqu'il repéra à proximité une jeune vierge effarouchée, fraîchement pubère et particulièrement à son goût. La jeune fille passa dans un courant d’air et laissa dans son sillage un effluve sucré de miel qui fit saliver le pirate. Par réflexe, il tendit le bras pour la saisir par la cheville. Il la rata. Ses doigts effleurèrent à peine sa peau blanche, veloutée et tellement appétissante. Il sentit ses hormones mâles le titiller au plus profond de lui-même.

    Cela faisait si longtemps – des lunes et des lunes ! – que les Barons erraient sur la mer Tyrrhénienne. Combien de temps ? Il ne saurait l'évaluer exactement – de toute façon, il ne savait pas compter – mais il certifierait qu'il avait vu la lune pleine pour chacun des doigts d'une main. Quant au plaisir onaniste à la va-vite dans un coin de cale..., cela ne lui suffisait guère plus.

    Alors surgit en lui le désir fou, violent et bestial de l’homme en rut gouverné par ses plus vils instincts primaires. Il se releva avec peine dans un râle et entreprit de la poursuivre. Le sol crissait sous chacun de ses pas pesants et menaçait de céder. On aurait dit que les lattes de bois hurlaient leur douleur chaque fois qu’il les foulait.

Ucinius se déplaçait vers sa dulcinée avec une rapidité de gastéropode, le souffle haletant.

 

***   ***    ***

 

    Au cœur de cette pagaille, Gorgo et Archélaos avait également repéré la belle. Malgré les obstacles humains qui obstruaient leur parcours, tous deux essayaient de l’attraper. La tâche s'avérait d'autant plus ardue que la pucelle prenait des directions aléatoires totalement imprévisibles. A chaque fois, Aspasie leur échappaient en lâchant un grand rire juvénile qui les rendaient fous d'excitation.

 

     Alors qu'Archélaos s'apprêtait à la capturer, un hoplite s’interposa dans son champ de vision. Il joua de l’épée avec le soldat éméché et en trois coups techniques et imparables, eut raison de lui.

 

    Ce laps de temps laissa le champ libre à Gorgo qui parvint à choper la jeune fille – une brunette maigrichonne aux yeux d’un vert turquoise qui n’était pas du tout à son goût. Pire, elle empestait un mélange de fragrances âcres qui lui piquaient les narines. Il cracha au sol de dégoût. Cette odeur déplaisante ne stopperait cependant en rien ses ardeurs. De ses doigts à la poigne d'acier, il encerclait le biceps de la gamine et l'empêchait ainsi de s'échapper ; de l'autre main, il retirait avec empressement une partie de ses braies[1].

 

    Tout à coup, au moment où Gorgo s’apprêtait à copuler avec une ferveur volcanique en se râpant la panse sur celle de la jouvencelle, une sorte de crabe des mers s’agriffa dans son dos. Il se tordit le cou dans un sens puis dans l’autre, fit des moulinets aériens avec les bras et quelques sauts acrobatiques de côté pour déloger l’intrus avant de se mettre à tourner sur lui-même dans une sorte de ballet grotesque.

    L’importun se nommait Colotès. Bien décidé à sauver sa fille aînée des mains crasseuses de cet immonde pourceau et ce, par n’importe quel moyen, le pater familias s’était décidé à agir. Face à l’urgence de la situation, et dépourvu de toute arme, il avait pris son courage à bras le corps et avait foncé, sans réfléchir, droit sur la bête tatouée. A présent, il enserrait la bête entre ses quatre membres squelettiques.

    Gorgo essayait de déloger l’importun mais Colotès résistait, aussi tenace qu'un morpion pubien.

    Aspasie était hypnotisée par tous ces serpents qui dansaient sur le corps du pirate.

    Gorgo se laissa tomber à la renverse une première fois.

    Colotès un peu sonné maintint son étreinte.

    Gorgo réitéra la chute en arrière.

    Colotès restait accroché.

    Il fallut cinq cascades de la part du pirate et donc, cinq coups sur la tête pour que Colotès perdît enfin connaissance.

    Gorgo pesta une liste d’injures qui auraient pu choquer les chastes oreilles de la jeune fille.

    Celle-ci demeurait fascinée par ce corps musclé et tatoué.

    Gorgo saisit la fille par la taille, la fit basculer sur le dos et souleva sa robe d’un jaune vif avec des gestes rudes et brusques.

    Il s’agita en elle avec véhémence dans un ahanement sifflant.

 

***   ***    ***

 

    Agenouillée, Rhodopis hoquetait de douleur et hurlait de terreur devant l’indicible abomination à laquelle elle assistait. Là, juste à proximité, sous ses propres yeux : le viol de sa propre fille, la chair de sa chair. Impuissante face à l’horreur, elle refusait que ces deux garçons promis à un brillant avenir puissent assister à pareille ignominie. Elle les serrait encore plus fort contre sa généreuse poitrine. Et plus ils se débattaient, plus elle croyait qu’ils étaient effrayés, donc plus elle les pressait contre elle si bien que les deux petits moururent par étouffement dans de terribles soubresauts…

    Et elle continuait de s’époumoner de plus belle.

 

     Slask lui administra un magistral coup de poing sur le sommet du crâne et fit taire la matrone de manière définitive... Celle-ci s’effondra sur ses garçons.

    Slask écarta à coups de pieds les deux trousse-pets au visage violacé qui gisaient, la bouche paralysée dans une ultime tentative d’inhalation d’oxygène.

    Il posa un genou au sol et de ses grosses paluches malhabiles, il déchira sur toute la longueur le chiton[2] de Rhodopis jusque sous les seins où le vêtement la ceinturait. Toutes les fibules sautèrent d’un coup. Il saisit la femme par les hanches, se redressa avec ce corps sans vie à bout de bras dont la tête cognait contre le sol. Il empoigna son membre viril.

 

***   ***    ***

 
chitonchiton

chiton

Ce fut l’instant précis que choisit Colotès pour surgir par derrière et lui sauter dessus. Il réitérait la technique audacieuse qu’il avait expérimentée en vain sur Gorgo.

Les babines retroussées, Slask grogna en slave et fut contraint à lâcher la femelle. Une sorte de crabe rachitique s’était agrippé dans son dos et deux mains squelettiques écorchaient sa peau au niveau du cou.

Ces mains décharnées aux proéminentes articulations interphalangiennes tentaient d’encercler ce cou massif dans le but de l’étrangler.

Slask ressentait une sorte de démangeaison dans le cou qui le chatouillait et ça commençait à suffire : il saisit l’un des poignets de cet insecte insignifiant qu'il broya comme le nœud d’une tige d'épi de blé.

Colotès ne cria pas lorsqu’il entendit les os de son poignet se briser mais il lâcha prise.

Slask tira d’un coup sec vers l’avant.

Colotès fut propulsé vers le haut.

L’œil torve – et le sexe pendant, Slak considérait sa prise en train de pendre par un bras et lui donner de menus coups de poings avec son autre bras valide. De sa main libre, il l’attrapa par la tignasse. Il laissa choir le bras au poignet cassé et le saisit au cou.

Colotès continuait de gesticuler, de donner des coups de pieds dans le vide, de

Slask pencha la tête de côté, fronça les sourcils, interloqué par l’entêtement de cet homme chétif. Ne sentait-il pas la fin imminente ? Pourquoi continuer à se débattre ? Des questions fulgurantes qui n’amèneraient aucune réponse puisque Salsk les avait aussitôt oubliées. Il cala bien sa main sur le sommet du crâne et fit craquer la nuque d’un coup sec. Il jeta la carcasse inanimée à quelques pieds de là…

Il s’empara alors du corps dénudé et obèse de la matrone et la baisa à couilles rabattues.

*** *** ***

Après avoir subi les assauts répétés – rudes et fougueux – de cette bête sauvage de Gorgo, Aspasie avait réajusté sa robe et en chassait d’imaginaires taches. Elle était devenue femme à présent bien que son premier coït ne l’eût pas plus ému que ça, malgré tout ce qu’elle avait imaginé sur le sujet, pas plus que ne l‘avait bouleversé la disparition de ses parents. Des parents qui – pour le prétendu bien de leur fille et surtout pour la réputation de la famille – avait décidé de la donner à un homme dont elle ne connaissait que le nom. D’où la raison de ce voyage qui l’amenait vers la contrée de Sicile…

Aspasie, comme toute jeune fille de son âge, rêvait de romanesque, d’un homme qui l’emmènerait découvrir les territoires éloignés et exotiques comme Carthage, Alexandrie et tant d’autres villes dont elle ignorait jusqu’au nom ; un homme grand, fort, protecteur… un homme dans le style d’Archélaos.

Lorsque celui-ci s’approcha à son tour, Aspasie se sentit flattée. Elle espérait que sa deuxième expérience lui apporterait un semblant de début de frémissement de soupçon de plaisir. Aspasie lui adressa son plus beau sourire qu’il lui rendit en retour.

Archélaos jugeait cette impubère peu farouche contrairement à ce que sa robe aux plis multiples et retroussés aurait pu laisser sous-entendre. Il fit glisser son ceinturon dans le dos, dégrafa son subligaculum[3] et branla son fervent hommage à Priape. A l’aide de son kopis, il coupa l’étoffe de lin. Cette pouliche semblait se laisser monter sans le moindre geignement. C’est la raison pour laquelle, pendant qu’il la besognait, il la gifla. A deux reprises.

Malgré les joues rougies qui la brûlaient, Aspasie se soumit aux gestes brusques et pressés du pirate…

Une fois soulagé, Archélaos s’en alla sans mot dire. Il croisa Ucinius à bout de souffle, lui donna une violente tape sur l’épaule et dit : « La vierge est un cadeau des Dieux, mon ami ! La place est encore chaude. » Ucinius précipita son allure.

De son côté, Aspasie se délesta de sa robe en lambeaux. Elle parcourut quelques pas et déchira un morceau de la grand voile pour s’y draper et dissimuler sa nudité juvénile. Elle aurait souhaité que le beau gladiateur restât pour la cajoler.

Son sourire se mua en effroi lorsqu’elle aperçut Ucinius, cet empilement de bourrelets de graisse instable, qui gravitait autour d'elle l'écume aux lèvres. Aspasie émit de petits cris d’effroi tel une chatte à qui l'on venait d'écraser une patte.

Elle s'enfuit à toute jambe et sans minauder.

Ucinus souffla de dépit, la queue entre les jambes. Son cœur battait à tout rompre. Il prit appui sur le mat pour apaiser son rythme cardiaque.

D'ici peu de temps, il reprendrait sa chasse hormonale…

[1] Vêtement en forme de pantalon porté par plusieurs peuples de l'Antiquité

[2] Tunique commune boutonnée ou attachée par des broches ou des fibules, fixées à intervalles sur les bras et les épaules. Le tout forme ainsi une robe, dont le style varie, et qui peut être ceinturée sous les seins, à la taille ou aux hanches

[3] Pagne de lin noué à la taille utilisé en guise de sous-vêtement

Rédigé par Jérémy STORM

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